La vie après la révolution : La NEP et son influence sur la culture

En 1917, la vie des Russes a radicalement changé : les révolutions de février et puis d’octobre ont montré au monde non seulement un pays avec une architecture politique totalement inédite, mais aussi doté d’un nouveau format de la vie culture qui fascine toujours par sa diversité. Architecture, mode, théâtre, littérature, arts visuels, éducation… Tous ces domaines ont connu des changements fondamentaux dans la russe postrévolutionnaire. Pourquoi ? Voyons ça de plus près !

La vie après la révolution : La NEP et son influence sur la culture

La NEP

Au printemps 1921, après des années difficiles et économiquement destructrice causées par la politique du Communisme de guerre (1918-1921), le Gouvernement soviétique a décidé qu’il était temps de réformer l’économie. D’une part, cette décision a été dictée par le besoin de restaurer un pays économiquement affaibli par la guerre civile, mais d’autre part, elle a été quelque peu spontanée, car Moscou n’avait pas un plan d’actions clair. Cela a donné une nouvelle politique économique – la NEP – et, pendant ses quelques années d’existence, elle n’a pas seulement été capable de consolider le pays, mais a aussi été marquée par une vague de libéralisme.

Pendant la NEP, la personne responsable pour l’ensemble de la vie culture n’était autre qu’Anatoli Lounatcharski. Alors qu’il occupait la position de Commissaire à l’Education, il a en pratique laissé les artistes faire ce que bon leur semblait. Cela signifiait que non seulement les articles nouveaux et « idéologiquement corrects » participaient à la vie culturelle, mais également les artistes de l’ère tsariste.

Anatoli Lounatcharski
Anatoli Lounatcharski. Source: Wikipedia.

L’Education

Les Bolchéviques ont commencé leurs transformations du pays par l’éducation. La population de la nouvelle Russie soviétique était principalement composée de paysans qui ne savaient ni lire ni écrire ; l’école primaire obligatoire a donc été introduite. Ces mesures ont permis d’augmenter le taux d’alphabétisme à 70 % puis à 95 %.

Il est intéressant de noter que ce ne sont pas seulement les enfants et adolescents qui allaient à l’école, mais aussi les ouvriers adultes qui se rendaient dans des écoles du soir pour y apprendre toutes les matières requises : de la langue et littérature russes aux mathématiques en passant par la géographie. Les étudiants les plus doués et prometteurs qui réussissaient brillamment leurs études pouvaient alors les continuer à l’université. Bien entendu, tout cela a été fait dans un seul et unique but : le nouveau Gouvernement avait besoin d’ouvriers qualifiés qui pouvaient améliorer le potentiel scientifique et économique du pays. En outre, le plus de personnes possible devaient être capables de lire et comprendre la propagande bolchévique.

Les Posters de propagande

Toutefois, apprendre à la population à lire est un processus long et complexe, alors que la propagande devait, elle, continuer à être transmise de manière continue. Que faire ? Utiliser des images, évidemment.

A l’instar de l’Eglise catholique qui a créé les vitraux (autrement dit, la « Bible pour les illettrés »), le Gouvernement soviétique a commencé à utiliser activement les posters : des dessins aux couleurs vives illustrant la vie quotidienne avec des slogans brefs, mais informatifs qui communiquaient à la population les politiques du Parti.

Tout le monde à la bibliothèque
Tout le monde à la bibliothèque. Source: Wikipedia.
Poster contre l'alcoolisme
Poster contre l'alcoolisme
Charrue et marteau sont frères
Charrue et marteau sont frères
Dit adieu à tes jours de plaisir, bourgeois
Dit adieu à tes jours de plaisir, bourgeois

La Peinture

Tout comme l’art du poster, la peinture a également connu une période de prospérité. Se détournant de tous les canons et mouvements acceptés précédemment, les artistes ont montré au monde de nouvelles formes, images et couleurs.

Les associations artistiques sont apparues ça et là avec des noms qui étaient cohérents avec le style des abréviations soviétiques : « Unovis » (Approbateurs du Nouvel Art), KORN (L’Equipe d’observation avancée), MAI (Maitres de l’Art analytique) et d’autres. Leurs peintures, comparée au style prérévolutionnaire, sont devenues graphiques, remplies de formes géométriques et laissait le champ libre à l’interprétation.

Nepmen, Konstantin Rudakov
Nepmen, Konstantin Rudakov
Charpentier, Kazimir Malevitch
Charpentier, Kazimir Malevitch

Certains artistes ont également collaboré avec des théâtres et différentes troupes pour créer non seulement leurs costumes, mais également les décors de leurs spectacles.

Le Théâtre

A cette époque, les arts de la scène ont connu de nombreux changements majeurs, mais aussi une renaissance.

L’ère théâtrale de la NEP est intrinsèquement liée au nom de Vsevolod Meyerhold, qui a mis au point un nouveau système de jeu appelé la « biomécanique ». Il n’appelait pas seulement à la psychologique classique des performances, mais avait également pour but de créer un nouveau monde sur scène. Les acteurs du théâtre de Meyerhold n’apprenaient pas de longues lignes par cœur et n’étudiaient pas la personnalité du personnage incarné, mais s’entraînaient au flux de mouvements et même à l’acrobatie. Les éléments fondamentaux de l’action sur scène étaient la plasticité et le mouvement qui parlent plus fort que les mots.

« Le spectateur devrait pouvoir ressentir la tragédie sans que l’on ne lui parle de tragédie » disait Meyerhold.

Vsevolod Meyerhold (à gauche) dans le décor de la performance 'Forest'
Vsevolod Meyerhold (à gauche) dans le décor de la performance 'Forest'. Source: Temerin Alexey Alekseevitch, russiainphoto.ru.
Troupe de Danse En Plastique d'Inna Bystrenina, 1920s
Troupe de Danse En Plastique d'Inna Bystrenina, 1920s. Source: russiainphoto.ru.
'L'art du mouvement', Vera Maya Studio, 1920s
'L'art du mouvement', Vera Maya Studio, 1920s. Source: Grinberg Alexander Danilovitch, russiainphoto.ru.

La « Romance criminelle »

De nouvelles idées si radicales n’étaient pourtant pas forcément comprises par la population, qui ne voulait pas chercher des significations cachées dans les phantasmagories représentées sur scène ou sur le canevas de l’artiste. Ainsi, les petites gens ont souvent préféré passer leur temps libre dans les tavernes ou des restaurants peu chers où il était possible de danser avec « indécence » (pour l’époque) sur des styles occidentaux (le Foxtrot ou le Charleston, par exemple) et d’écouter des chansons dans le style de la « romance criminelle ».

Au restaurant
Au restaurant

Ce nouveau genre musical est né dans les années de la Révolution de 1917 à Odessa qui était connue pour ses rapports criminels réguliers. Odessa est devenue la terre mère des chansons sur les hommes de la NEP, les bandits, les détectives et les prisonniers.

NEP-man s'amuse
NEP-man s'amuse. Source: russiainphoto.ru.

L’une des chansons les plus populaires était intitulée « Boublitchki » (bagels) qui racontait l’histoire d’une pauvre fille vendeuse de bagels dans la rue. Etonnamment, ces chansons criminelles sont rapidement entrées dans la vie quotidienne des soviétiques et sont demeurées populaires pendant longtemps.

Chanson « Boublitchki », Faina Nicholas

Le Cinéma

Le cinéma a également contribué à renforcer la popularité des chansons criminelles.

On ne peut pas parler du cinéma des années 1920 sans mentionner le nom de Sergueï Eisenstein, un directeur légendaire du cinéma en noir et blanc. Ses films grand format « Le Cuirassé de Potemkine », « Alexandre Nevski », « Octobre », « Ivan le Terrible » are still on the list of black and white film masterpieces.

Sergueï Eisenstein, 1910
Sergueï Eisenstein, 1910. Source: Wikipedia.

Mais les films d’Eisenstein n’étaient pas produits pour le grand public, c’est pourquoi, en parallèle des films épiques d’Eisenstein, des films simples et plus proches de la réalité sur la vie des petites gens ordinaires ont été réalisés. Ils incluaient des scènes de la vie quotidienne et des défis idéologiques. Les chansons criminelles étaient utilisées comme bande son de ces films en accompagnement des mélodies spécialement composées pour elles. Certains de ces films sont : « Le Tailleur de Torzhok » (1925), « Une prostituée tuée par la vie » (1926), « La Maison de la place Troubnaïa » (1928), « Rivales » (1929), et tant d’autres.

La Mode

Les films de cette époque, ainsi que d’autres médias, donc aussi devenu une source de connaissances sur l’apparence des premiers citoyens soviétiques.

L’élite soviétique bohémienne préférait suivre les tendances de la mode occidentale, alors que les personnes ordinaires tiraient leur inspiration vestimentaire de la révolution passée.

Le plus intéressant est d’étudier les tenues des femmes de l’époque, car ces dernières étaient divisées en trois camps. Le premier camp était composé des femmes issues de familles riches, bohémienne ou artistiques qui, d’un côté, cherchaient à mettre en exergue leur féminité en portant des robes (dont la coupe était nouvelle avec une taille plus basse), des chapeaux (dont le style était très particulier) et des hauts-talons, et d’un autre côté, ces mêmes fans de la mode essayer de démontrer leur dédain pour la mode.

Le second camp incluait des femmes révolutionnaires qui ont dédié leur vie à la cause communiste. Ces femmes étaient caractérisées par une veste en cuir noir pour homme beaucoup trop grandes pour elles, ainsi qu’un foulard cachant leurs cheveux. Ces vêtements leur permettaient d’effacer leur identité de genre et de se focaliser sur les fonctions qu’elles occupaient.

Le second camp incluait des femmes révolutionnaires qui ont dédié leur vie à la cause communiste. Ces femmes étaient caractérisées par une veste en cuir noir pour homme beaucoup trop grandes pour elles, ainsi qu’un foulard cachant leurs cheveux. Ces vêtements leur permettaient d’effacer leur identité de genre et de se focaliser sur les fonctions qu’elles occupaient.

Publié dans le magazine «Maison couturière»
Publié dans le magazine «Maison couturière». Source: vatnikstan.ru.
Mode de la NEP
Mode de la NEP. Source: vatnikstan.ru.
Une femme avec des fleurs, 1920s
Une femme avec des fleurs, 1920s. Source: russiainphoto.ru.
Photo d'une jeune femme pendant la NEP, 1923
Photo d'une jeune femme pendant la NEP, 1923. Source: russiainphoto.ru.

Conclusion

En 1929, Lounatcharski a été démis de ses fonctions. Cette date correspond à l’accaparation du pouvoir par le seule Staline et le commencement d’une politique plus rude aussi bien dans les domaines des arts que dans les autres sphères de la vie. L’ère d’expérimentation et de coexistence pacifique de l’ancien et du neuf a pris fin.

L’ère de la NEP a été très courtes (selon les normes historiques), ne durant que 7 ans. Mais les tendances et changements culturels qui sont apparus pendant cette période se sont avérés si profondément ancrés dans la société qu’il est impossible d’en parler de manière exhaustive dans un seul article. Nous espérons que vous avez apprécié cet article et si vous souhaitez en apprendre plus sur la culture liée à la NEP, faites-le nous savoir en commentaire !

L'auteur: Aleksandra Shilovskaia

Culturologue, professeur de russe en tant que langue étrangère et promotrices de la culture russe.
Traduit de l'anglais par A. Van Laere.
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