Le cirque russe à travers les époques

Au jour d’aujourd’hui les arts du cirque sont souvent moins populaires que le théâtre, le ballet ou le cinéma, mais il y a encore quelques décennies, aller au cirque était l’une des activités de divertissement préférées dans le monde entier.

Le cirque russe à travers les époques

Pendant l’ère soviétique, et malgré le fait que l’URSS était un pays fermé, la réputation du cirque russe le précédait bien au-delà des frontières de l’Union. Il attirait le public par la qualité de ses spectacles, mais aussi par les prouesses et l’esprit artistique de ses acrobates, trapézistes, dompteurs et clowns. Le cirque moderne russe perpétue les traditions soviétiques et présente au public des spectacles uniques, inimitables et inoubliables. Mais savez-vous comment tout cela a commencé ?

Les débuts du cirque russe

Les débuts du cirque russe remontent à la Russie kiévienne. Au XIe siècle, les premiers artistes du cirque sont les bouffons, des artistes aux multiples talents ; non seulement ils dansent et chantent, mais ils jonglent et réalisent des tours de magie. Les bouffons se produisent généralement dans la rue, mais ils se déplacent progressivement vers les foires et marchés. C’est là-bas, dans de petites tentes, que les visiteurs peuvent admirer des hommes herculéens démontrant leur force physique unique et des gymnastes à la plastique surprenante.

Skomorokhs dans un village russe par François Nicholas Riss
Skomorokhs dans un village russe par François Nicholas Riss. Source: Wikipedia.

Au cours de ses premiers siècles d’existence, la vie du cirque ne change pas vraiment : les artistes du cirque sont itinérants, font des tours de magie et des cascades avec des animaux. Le cirque tzigane prospère également à la même époque : les camps gitans comportent souvent une diseuse de bonne aventure, tandis que des dompteurs montrent des tours appris à des ours.

C’est avec la montée sur le trône de Pierre le Grand que les premiers changements arrivent au cirque. Le monarque ne met pas seulement en place des réformes économiques et politiques ambitieuses, mais il contribue aussi considérablement au développement de la culture russe. De ce fait, le premier musée russe, la Kunstkamera, contient encore aujourd’hui des expositions uniques et terrifiantes : des bébés atteints de déformations physiques bien visibles préservés dans de l’alcool. Cela peut paraître injustifiable et inhumain pour l’homme moderne, mais c’est précisément cet intérêt pour l’épouvante qui a permis au cirque de se développer davantage. Dans les tentes du cirque, on ne retrouve plus uniquement les tours et danses habituels, mais aussi des personnes atteintes d’handicaps physiques : des bossus, des femmes à barbe, des personnes obèses, etc. Dans la haute société, des araps (serviteur et clowns de couleur) et des karls (nains) sont introduits pour amuser les nobles et les rois. Heureusement, cette période de l’histoire du cirque ne dure pas longtemps et dès le début du XIXe siècle, l’idée d’un cirque comme art normé et régulé est née.

La Kunstkamera de Saint-Pétersbourg
La Kunstkamera de Saint-Pétersbourg. Source: Alex Florstein Fedorov, Wikipedia.

Les changements au sein du programme du cirque représentent la première étape vers la sédentarisation du cirque au début du XIXe siècle. Au lieu d’exhiber des personnes handicapées, des carrousels d’acrobates et cavalcades équestres sont organisés. Un bâtiment spécialement consacré aux arts du cirque et disposant d’une arène sera même construit sur l’île Krestovsky à Saint-Pétersbourg. Le rôle joué par l’Empire russe sur la scène internationale motive les artistes étrangers s’y rendre pour s’y produire. Le premier spectacle d’une troupe mixte franco-russe voit le jour en 1825. En 1849, c’est la première école professionnelle du cirque qui ouvre ses portes et, en 1877, Gaetano Ciniselli, grand chevaucheur du cirque italien, arrive à Saint-Pétersbourg où il aide à fonder le premier cirque permanent dans le centre-ville.

Gaetano Ciniselli
Gaetano Ciniselli. Source: Wikipedia.
Le cirque Ciniselli à Saint-Pétersbourg
Le cirque Ciniselli à Saint-Pétersbourg. Source: Wikipedia.

Les Russes ne sont pas pour autant les derniers à contribuer au développement du cirque : la première dynastie du cirque russe est celle des frères Nikitine qui ont parcouru les villes de l’Empire russe et ouvert des cirques permanents à Penza, Saratov, Kiev, Kazan et Bakou. Le cirque des frères Nikitine se distingue des autres principalement par la complexité de ses jeux de clowns, les tours appris aux singes et ses spectacles avec des oiseaux. Les cavalcades équestres, typiques de Saint-Pétersbourg et Moscou, étaient trop chères que pour être produites partout.

Le bâtiment du Cirque Nikitine à la rue Bolchaya Sadovaya à Moscou
Le bâtiment du Cirque Nikitine à la rue Bolchaya Sadovaya à Moscou. Source: Wikipedia.

Quoi qu’il en soit, l’apparition de cirques permanents n’a pas sonné le glas du cirque de rue ; il existe toujours, mais dans une forme différente. Désormais, les artistes des cirques de rue organisent des spectacles de marionnettes où le fameux Petrouchka est le personnage principal. Par après, les compagnies de cirque empruntent Petrouchka, qui devient très populaire auprès du public pendant les tournées européennes.

Petrushka by L.I. Solomatkin
Petrushka by L.I. Solomatkin. Source: Wikipedia.

Le Cirque russe sous l’URSS

Étonnamment, le cirque russe devient encore plus populaire après la révolution de 1917. L’État confère au cirque le statut « d’art pour le peuple » et commence à soutenir financièrement les artistes. Les spectateurs sont plongés dans le monde magique de la gymnastique acrobatique, se tordent de rire face aux blagues des clowns et des pantomimes, s’émerveillent du courage des dompteurs qui entrent dans l’arène des tigres, des lions ou des éléphants, et admirent les dresseurs de chevaux et jongleurs. Les spectacles revêtent également un esprit de fête grâce aux costumes hauts en couleur qui renforcent encore davantage cette atmosphère surréaliste.

Le cirque devient d’ailleurs l’un des thèmes favoris des réalisateurs soviétiques. Quelques films soviétiques de l’époque sur le cirque sont : « La Princesse de cirque » (1982), « Mister Iks » (1958), « Dompteuse de tigres » (1955), etc. Outre les acteurs, de nombreux artistes et représentants des dynasties du cirque ont participé au tournage de ces films.

Le Cirque russe aujourd’hui

De nos jours, le cirque russe perpétue les traditions du siècle dernier. Beaucoup de cirques n’offrent pas seulement des spectacles classiques regroupant clowns et animaux, mais aussi divers spectacles fabuleux et mystiques où les rôles principaux sont assurés par des acrobates, des gymnastes et des jongleurs.

En outre, le cirque russe prête beaucoup d’attention aux artistes eux-mêmes, mais également aux animaux : ces derniers bénéficient d’un emploi du temps équilibré entre entraînements et spectacles, ce qui leur permet de se sentir bien au cirque.

Le Cirque de Moscou sur glace
Le Cirque de Moscou sur glace

Les cirques les plus connus en Russie sont le Cirque des Frères Zapachny, le Cirque Youri Nikouline à Moscou, le Cirque Fontanka à Saint-Pétersbourg, le Cirque de Kazan, le Snow Show de Slava Polounine, le Cirque de Voronej, le Cirque du Dragon d’Or de Novossibirsk et entre beaucoup d’autres.

Si vous allez en Russie, ne ratez pas l’occasion d’aller voir le cirque russe de vos propres yeux !

L'auteur: Aleksandra Shilovskaia

Culturologue, professeur de russe en tant que langue étrangère et promotrices de la culture russe.
Traduit de l'anglais par A. Van Laere.
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